Décoder la dépression : Comment les changements dans les ondes cérébrales révèlent les réponses aux traitements

Par Narem Karakoyun

Et si nous pouvions prévoir le bon traitement contre la dépression pour chaque personne, plus rapidement et plus efficacement? Une nouvelle étude du Réseau canadien d’intégration des biomarqueurs dans la dépression (CAN-BIND), l’un des programmes de découverte intégrée de l’IOC, travaille à rendre cet avenir possible.

Dans le cadre de leurs recherches, une équipe de scientifiques a examiné comment les changements dans l’activité cérébrale peuvent révéler dans quelle mesure les personnes répondront aux traitements pour la dépression, ce qui permet d’espérer des guérisons plus rapides et des soins plus personnalisés.

Sur quoi portait l’étude?

La dépression est une maladie complexe qui ne répond pas à une approche unique. Cette étude avait pour but de comprendre comment les changements précoces et tardifs dans l’activité cérébrale sont liés à l’amélioration des symptômes chez les personnes traitées avec de l’escitalopram, un antidépresseur couramment utilisé.

Plus de 100 participants présentant un trouble dépressif majeur (TDM) ont reçu un traitement à l’escitalopram sur une période de 8 semaines. Dans le cadre de ce traitement, on a eu recours à un électroencéphalogramme (EEG) pour lequel on plaçait un bonnet muni d’électrodes sur la tête du patient pour mesurer l’activité cérébrale au repos et suivre les changements dans les ondes cérébrales – comme les ondes delta, thêta et gamma – au fil du temps. Les résultats ont été comparés à ceux obtenus par des personnes recevant une thérapie cognitivo-comportementale (TCC) afin de comprendre comment différents traitements agissent sur le cerveau.

Qu’est-ce que les scientifiques ont découvert?

Dans l’article, qui a été publié dans Translational Psychiatry en octobre 2024, l’équipe de recherche a signalé trois découvertes majeures.

  1. Les changements dans les ondes cérébrales sont associés à la réussite du traitement.
    • Après 8 semaines, les ondes delta et thêta – toutes deux associées aux contrôles cognitif et émotionnel – ont augmenté chez les personnes dont les symptômes s’étaient améliorés avec l’escitalopram. Ces changements étaient uniques à l’escitalopram et n’ont pas été observés chez les personnes traitées par la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), ce qui suggère des cibles biologiques spécifiques potentielles qui pourraient contribuer au développement de traitements plus personnalisés.
  2. Les changements cérébraux précoces sont importants
    • Les ondes thêta ont augmenté après seulement deux semaines, ce qui permet d’établir un lien avec l’amélioration initiale des symptômes. Ces signes précoces pourraient aider à déterminer si un traitement sera efficace, ce qui permettrait d’économiser du temps et des efforts.
  3. Il existe des mécanismes communs à tous les traitements
    • La réduction des ondes alpha était un marqueur commun de réussite tant pour l’escitalopram que pour la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), indiquant un changement possible de la rumination interne vers une concentration plus engagée et orientée vers l’extérieur, ce qui peut être un facteur déterminant pour surmonter la dépression.

Les étapes vers la prévision de la réussite du traitement et des soins personnalisés

Ces découvertes ouvrent de nouvelles voies permettant d’étudier la façon dont le cerveau répond aux traitements contre la dépression.

La docteure Faranak Farzan de CAN-BIND, chercheuse principale de cette nouvelle étude, et le premier auteur Benjamin Schwartzmann, candidat au doctorat à la Simon Fraser University, ont expliqué pourquoi ces résultats sont importants.

Les changements enregistrés dans l’EEG pourraient guider les médecins dans le choix du bon traitement, soulignent-ils, réduisant ainsi le processus essais-erreurs et aidant les patients à se sentir mieux plus rapidement, ce qui se traduirait par des soins plus personnalisés et plus rapides. En outre, l’EEG est largement accessible et facile à utiliser, ce qui en fait un outil pratique pour l’amélioration des soins de santé mentale dans diverses communautés. « Il s’agit d’un procédé objectif qui permet de voir comment agit un médicament, et s’il est efficace pour une personne », a déclaré la Dre Farzan. « Comprendre comment les différentes thérapies influencent les ondes cérébrales peut conduire à des approches innovantes, telles que la combinaison de traitements ou le développement de nouveaux diagnostics ou traitements basés sur les neurotechnologies, ce qui permet d’espérer des traitements plus rapides et plus efficaces, adaptés aux besoins de chaque personne. »

Compte tenu du fait qu’il faut environ deux semaines pour qu’un antidépresseur commence à agir sur l’humeur, ces changements dans les ondes cérébrales pourraient expliquer partiellement quel traitement est susceptible d’aider une personne. De plus, si un médicament se révèle inefficace, cette nouvelle approche peut permettre au patient et au clinicien de passer plus rapidement à un autre traitement. L’étude de CAN-BIND constitue une étape vers des soins plus judicieux et plus efficaces pour la dépression. En identifiant les modèles répétitifs dans l’activité cérébrale, les chercheurs créent un avenir où les traitements en santé mentale seront plus rapides, plus précis et plus porteurs d’espoir. L’équipe de CAN-BIND mène actuellement un essai clinique en vue d’évaluer l’utilité de l’électroencéphalographe en tant que biomarqueur, en utilisant l’EEG de base pour répartir les participants entre les différents traitements.

APPRENEZ-EN PLUS SUR CAN-BIND